JOFFRE DUMAZEDIER : De l'autodidaxie à l'autoformation
Joffre Dumazedier est l’un des pionniers en France de la
sociologie du loisir et l’auteur le plus éminent en la matière depuis la
publication de son ouvrage paru en 1962 « Vers une civilisation du
loisir ? ». Mais cet homme à multiples facettes et de renommée
internationale, est également une grande figure historique de l’éducation
populaire, reconnu pour ses méthodes éducatives innovantes telle que sa méthode
de simplification du travail intellectuel, qu’il a nommé « l’entrainement
mental », ainsi que celle découlant de sa théorie de l’Autoformation. Ces trois
principaux sujets d’étude caractérisent la vie toute entière de ce grand socio-pédagogue
et ne sont pas sans lien.
Homme d’action et de réflexion, Joffre Dumazedier était tout d’abord un humaniste passionné. Né en 1915 dans le Val d’Oise, il est issu d’un milieu modeste. Orphelin de père, mort à Verdun, il a bénéficié d’une bourse pour poursuivre ses études au collège puis au lycée et enfin à la Sorbonne où il fera ses études de Lettres. Dès lors, il n’aura de cesse que de communiquer aux autres la curiosité et le goût pour la connaissance qui le caractérisent depuis son plus jeune âge. Inspiré par Condorcet, qui dans son rapport et projet de décret préconisait déjà en 1792, « l’art de l’instruction par soi-même » à tous les âges et au-delà de l’école, Dumazedier avait lui aussi foi dans les possibilités de « l’évolution de l’esprit humain » et prônait le droit à l’éducation et à la culture commune à tout un peuple.
Mais cet humaniste était aussi un homme engagé, qui s’est consacré tout entier à la cause de ses idées. Il militera toute sa vie contre l’injustice face à l’éducation et à la culture et ce, dès l’âge de vingt ans, alors qu’il était étudiant en Lettres à la Sorbonne, et qu’il animait des cours du soir dans un collège du travail de sa banlieue d’origine pour ses anciens copains de l’école primaire.
Son engagement était aussi scientifique. Chercheur au CNRS à partir de 1954, toutes ses recherches sont parties de ses réflexions qui ont découlées de ses propres expériences de vie. Depuis les collèges du travail jusqu’au maquis du Vercors (où il forme dès 1942 les jeunes résistants et continue à expérimenter sa socio-pédagogie d’aide à l’accès aux savoirs) puis à Peuple et Culture (mouvement national associatif - qu’il fonde à la libération et dont il sera le président jusqu’en 1967- qui avait pour but de diffuser le plus largement possible sa méthode pédagogique d’« entrainement mental » développée depuis 1936), Joffre Dumazedier n’a eu de cesse de s’interroger sur l’inégalité de l’accès aux savoirs, la réussite de certaines minorités et le rôle des institutions.
Par le biais de sa méthode d’ « entrainement mental », Joffre Dumazedier souhaitait démocratiser l’accès aux savoirs pour lutter contre la misère culturelle, l’aliénation et l’infantilisation des adultes : « rendre la culture au peuple et le peuple à la culture ». (Le peuple représentant la société entière). En partant de l’expérience des hommes, en réfléchissant ensemble, en parlant, débâtant, en mutualisant les connaissances, « l’entrainement mental est avant tout une méthode de questionnement pour passer du simple au complexe, de la « connaissance ordinaire » à la pensée scientifique, du concret à l’abstrait »[1]. Cette méthode d’apprentissage a été conçue au départ pour les autodidactes puis adaptée pour que toutes les personnes soient désireuses de s’autoformer de façon permanente. Ce procédé peut être mis en pratique lors de jeux de rôles, lors de confrontation d’avis et d’opinions (conférence, diners débat…). En 1988, l’entrainement mental est reconnu comme une des bases de la formation pour adultes. Ce processus est encore aujourd’hui largement utilisé dans les séminaires de formation et est fréquemment comparé à l’analyse de pratiques.
Professeur à la Sorbonne depuis 1968, et après avoir passé sa thèse d’Etat, il crée en 1974 la première chaire de socio-pédagogie des adultes. Vingt ans plus tard, en 1994, il expose son approche et sa théorie lors du premier colloque européen sur l’Autoformation.
C’est à partir de sa double analyse critique, celle de la sociologie de l’éducation et celle du loisir, que Joffre Dumazedier a mis en avant l’autoformation permanente et populaire comme une dynamique sociale répondant aux mutations de notre société de plus en plus complexe et mouvante. Le pédagogue français a plaidé pour un apprentissage du travail autonome et pour qu’ « apprendre à apprendre », devienne l’enjeu de la formation instituée afin de permettre aux individus, de mieux comprendre le monde qui se complexifie, de disposer des moyens intellectuels pour résister aux idées manipulatrices d’un monde surmédiatisé et pouvoir penser par soi-même, d’avoir une attitude plus créative, d’être plus tolérants et d’avoir une vie citoyenne. Il a de surcroit alerté sur l’urgence d’apprendre à mieux investir le temps de loisir qui ne cesse de croître pour une formation volontaire égale à l’enseignement. Enfin, il était profondément convaincu d’une l’obligation pour la formation institutionnelle de susciter le désir d’apprendre afin d’encourager l’autoformation individuelle et collective des sujets sociaux tout au long de leur vie. Ainsi, le recentrage de la sociologie de l’éducation sur l’ « apprenant », initié au début des années 2000, est la marque d’une influence certaine des travaux de ce pionnier de l’éducation culturelle et populaire
[1] Chosson, JF. 1991. Pratiques de l’entrainement mental, Armand colin. p 21
Homme d’action et de réflexion, Joffre Dumazedier était tout d’abord un humaniste passionné. Né en 1915 dans le Val d’Oise, il est issu d’un milieu modeste. Orphelin de père, mort à Verdun, il a bénéficié d’une bourse pour poursuivre ses études au collège puis au lycée et enfin à la Sorbonne où il fera ses études de Lettres. Dès lors, il n’aura de cesse que de communiquer aux autres la curiosité et le goût pour la connaissance qui le caractérisent depuis son plus jeune âge. Inspiré par Condorcet, qui dans son rapport et projet de décret préconisait déjà en 1792, « l’art de l’instruction par soi-même » à tous les âges et au-delà de l’école, Dumazedier avait lui aussi foi dans les possibilités de « l’évolution de l’esprit humain » et prônait le droit à l’éducation et à la culture commune à tout un peuple.
Mais cet humaniste était aussi un homme engagé, qui s’est consacré tout entier à la cause de ses idées. Il militera toute sa vie contre l’injustice face à l’éducation et à la culture et ce, dès l’âge de vingt ans, alors qu’il était étudiant en Lettres à la Sorbonne, et qu’il animait des cours du soir dans un collège du travail de sa banlieue d’origine pour ses anciens copains de l’école primaire.
Son engagement était aussi scientifique. Chercheur au CNRS à partir de 1954, toutes ses recherches sont parties de ses réflexions qui ont découlées de ses propres expériences de vie. Depuis les collèges du travail jusqu’au maquis du Vercors (où il forme dès 1942 les jeunes résistants et continue à expérimenter sa socio-pédagogie d’aide à l’accès aux savoirs) puis à Peuple et Culture (mouvement national associatif - qu’il fonde à la libération et dont il sera le président jusqu’en 1967- qui avait pour but de diffuser le plus largement possible sa méthode pédagogique d’« entrainement mental » développée depuis 1936), Joffre Dumazedier n’a eu de cesse de s’interroger sur l’inégalité de l’accès aux savoirs, la réussite de certaines minorités et le rôle des institutions.
Par le biais de sa méthode d’ « entrainement mental », Joffre Dumazedier souhaitait démocratiser l’accès aux savoirs pour lutter contre la misère culturelle, l’aliénation et l’infantilisation des adultes : « rendre la culture au peuple et le peuple à la culture ». (Le peuple représentant la société entière). En partant de l’expérience des hommes, en réfléchissant ensemble, en parlant, débâtant, en mutualisant les connaissances, « l’entrainement mental est avant tout une méthode de questionnement pour passer du simple au complexe, de la « connaissance ordinaire » à la pensée scientifique, du concret à l’abstrait »[1]. Cette méthode d’apprentissage a été conçue au départ pour les autodidactes puis adaptée pour que toutes les personnes soient désireuses de s’autoformer de façon permanente. Ce procédé peut être mis en pratique lors de jeux de rôles, lors de confrontation d’avis et d’opinions (conférence, diners débat…). En 1988, l’entrainement mental est reconnu comme une des bases de la formation pour adultes. Ce processus est encore aujourd’hui largement utilisé dans les séminaires de formation et est fréquemment comparé à l’analyse de pratiques.
Professeur à la Sorbonne depuis 1968, et après avoir passé sa thèse d’Etat, il crée en 1974 la première chaire de socio-pédagogie des adultes. Vingt ans plus tard, en 1994, il expose son approche et sa théorie lors du premier colloque européen sur l’Autoformation.
C’est à partir de sa double analyse critique, celle de la sociologie de l’éducation et celle du loisir, que Joffre Dumazedier a mis en avant l’autoformation permanente et populaire comme une dynamique sociale répondant aux mutations de notre société de plus en plus complexe et mouvante. Le pédagogue français a plaidé pour un apprentissage du travail autonome et pour qu’ « apprendre à apprendre », devienne l’enjeu de la formation instituée afin de permettre aux individus, de mieux comprendre le monde qui se complexifie, de disposer des moyens intellectuels pour résister aux idées manipulatrices d’un monde surmédiatisé et pouvoir penser par soi-même, d’avoir une attitude plus créative, d’être plus tolérants et d’avoir une vie citoyenne. Il a de surcroit alerté sur l’urgence d’apprendre à mieux investir le temps de loisir qui ne cesse de croître pour une formation volontaire égale à l’enseignement. Enfin, il était profondément convaincu d’une l’obligation pour la formation institutionnelle de susciter le désir d’apprendre afin d’encourager l’autoformation individuelle et collective des sujets sociaux tout au long de leur vie. Ainsi, le recentrage de la sociologie de l’éducation sur l’ « apprenant », initié au début des années 2000, est la marque d’une influence certaine des travaux de ce pionnier de l’éducation culturelle et populaire
[1] Chosson, JF. 1991. Pratiques de l’entrainement mental, Armand colin. p 21